vendredi 19 février 2010

Visite à un cénobite tranquille


"Il fallait façonner une chambre en cellule monastique ; mais alors les difficultés s’accumulaient, car il se refusait à accepter, pour sa part, l’austère laideur des asiles à pénitence et à prière.

À force de tourner et de retourner la question sur toutes ses faces, il conclut que le but à atteindre pouvait se résumer en celui-ci : arranger avec de joyeux objets une chose triste, ou plutôt tout en lui conservant son caractère de laideur, imprimer à l’ensemble de la pièce, ainsi traitée, une sorte d’élégance et de distinction (...) disposer, en un mot, une loge de chartreux qui eût l’air d’être vraie et qui ne le fût, bien entendu, pas.

Il meubla cette pièce d’un petit lit de fer, un faux lit de cénobite, fabriqué avec d’anciennes ferronneries forgées et polies, rehaussées, au chevet et au pied, d’ornementations touffues, de tulipes épanouies enlacées à des pampres, empruntées à la rampe du superbe escalier d’un vieil hôtel.

En guise de table de nuit, il installa un antique prie-Dieu dont l’intérieur pouvait contenir un vase et dont l’extérieur supportait un eucologe (...)

Et, somme toute, l’illusion était facile, puisqu’il menait une existence presque analogue à celle d’un religieux. Il avait ainsi les avantages de la claustration et il en évitait les inconvénients : la discipline soldatesque, le manque de soins, la crasse, la promiscuité, le désœuvrement monotone. De même qu’il avait fait de sa cellule une chambre confortable et tiède, de même il avait rendu sa vie normale, douce, entourée de bien-être, occupée et libre."


Dans ce lieu de solitude et de recueillement, parmi les reliques du passé, Telek se souvient: voici la guitare sur laquelle retentirent, pour la première fois, les accords sanctifiés de Louie Louie.

Un moulage de la main qui déposa le diamant (ou saphir) sur le premier bijou primitif (Green Fuz? Carol? The Witch?), grossièrement taillé dans l'or, qu'ait admiré Telek.

Au dehors, Telek se lamente: "Le temps des premiers éblouissements, des horizons ouverts à perte de vue, paraît déjà si loin. J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans."
(Comme toujours, il exagère; il n'en a que...)

Qu'ai-je fait tout ce temps, sinon battre la campagne, pourchasser des chimères, changer de lit dans ma chambre d'hôpital?

"L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D'avoir voulu changer de place"

Stilla, plus pragmatique, pense que le nihilisme de Telek, et son incurable nostalgie, font de lui un véritable...

Stop your sobbing. Et regarde autour de toi: "Dans l'ombre, l'or concentre sur lui la lumière."

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